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     a colline qui surplombait la capitale offrait une vue imprenable sur la forteresse, dont la haute silhouette se détachait dans le ciel rouge du crépuscule. La princesse se tenait droite sur son hongre noir, vêtue pour la guerre qu'elle allait bientôt devoir mener : une cotte de maille protégeait son buste, sous une armure légère pour faciliter ses mouvements. Sur le long manteau qui, fixé sur sa poitrine par une broche ancienne, cascadait jusqu'à la croupe de sa monture, avait été cousu l'emblème de sa famille : une fois le jour levé, le loup gris combattrait à mort le loup brun, et l'un d'eux périrait.

Derrière elle, des milliers d'hommes peuplaient le relief des terres qui encerclaient Varrelór, jusqu'aux deux estuaires. L'hiver approchait déjà, mais l'air était lourd comme un matin d'été avant l'orage. Gabrelle ferma brièvement les yeux, tâchant de chasser d'une longue inspiration l'anxiété qui montait en elle : ce pouvait bien être sa première bataille comme la dernière, et alors elle abandonnerait le peuple qu'elle venait sauver. Durant ses trois années d'exil, après avoir été sauvée de l'ennemi par le général Hareson qui se tenait à présent à ses côtés, elle avait appris à manier les armes, animée par un désir de vengeance qui surpassait même ses prétentions au trône de son père, et elle avait œuvré à la constitution d'une armée capable de renverser les forces du Traître. A l'issue de cette journée, elle serait donc reine ou dépouille effondrée dans l'herbe rougie du champ de bataille.

« Votre Altesse, voilà qu'ils sortent ! Nous attendons vos ordres. » fit une voix à sa droite, qui lui parut lointaine tant elle était plongée dans ses pensées. Lentement, elle tourna la tête vers les portes de la forteresse, desquelles se déversaient les prémices d'une armée aux couleurs de l'Imposteur. Elle se redressa, reprenant en main avec plus de fermeté ses rênes. Ses lèvres pâles articulèrent sans bruit une prière concise, car le temps pressait : « Meysve, Ewaree, notre Père et notre Mère à tous, entendez nos prières... si notre cause est juste, donnez-nous la victoire. »

 

Enfin, la princesse pressa les flancs de son cheval, qui s'enleva dans un trot difficilement contenu, témoignant de son impatience. Elle l'entraîna vers ses rangs et se dressa en selle, parcourant les formations disciplinées. « Soldats ! Voilà longtemps que nous nous préparons pour ce jour, et l'heure est enfin venue ! Nombreux sont ceux qui furent fidèles au roi mon père de son vivant, et qui ont honoré son souvenir en me rejoignant. Vous avez perdu vos terres ancestrales, nous les reprendrons ! D'autres sont venus d'ailleurs sur le continent pour abattre le tyran, notre ennemi commun, et nous saurons récompenser votre loyauté ! Aujourd'hui, soldats, nous vengeons nos morts, nous chassons les traîtres et nous sauvons le royaume ! Pour Vilhjalmur ! Pour Hadrian ! » s'écria-t-elle en levant son épée, encouragée par les clameurs des troupes qui reprenaient son cri à travers la plaine, théâtre de l'histoire sanglante du royaume.

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