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Il ne fut en fait qualifié de sage qu'après sa mort, en comparaison avec son frère, dirigeant impulsif et outrageusement dépensier. En effet, quoique doté d'une certaine maîtrise de lui-même notable sous son règne, et prompt à la réflexion, Hadrian est avant tout un homme de guerre : étudiant remarquable dans sa jeunesse, il eut tôt fait de troquer l'apprentissage des civilisations anciennes et de la littérature contre l'art de la guerre. Particulièrement talentueux sur le champ de bataille, il sut s'aider de fins stratèges pour lui apprendre ce raisonnement que ses maîtres ignoraient. Ont ainsi compté parmi ses plus loyaux conseillers Tomås Dressad, époux de sa cousine Kaliska, Eymar Hareson, le grand général des armées, ou bien encore Witmar Anthalen, le prodige des finances : la formation d'un Conseil du roi équilibré, mêlant haute noblesse et personnalités d'origine plus modeste, lui a longtemps permis de gouverner avec efficacité, en dépit des difficultés liées au climat et à la pauvreté des terres.
'est en honorant son sens du devoir qu'Hadrian, agenouillé au pied du lit de mort de son père, accepta des responsabilités qu'il aurait autrement déclinées. Il était déjà conscient de la lourdeur de la tâche, mais davantage encore de l'incompétence de son jeune frère Willos, homme de plaisirs et de jeux, qui menaçait de renverser l'équilibre d'une dynastie dûment maintenue depuis plusieurs siècles. Pourtant, ce dernier lui tint rigueur d'un supposé engagement pris en l'absence de tout témoin, dans lequel Hadrian aurait formulé son envie de refuser la succession. S'en suivit ainsi une guerre fraternelle au cours de laquelle l'aîné, nouvellement couronné, dut faire ses preuves en écrasant la rébellion, ce qu'il accomplit en effet.
D'un tempérament complexe, Hadrian n'est que trop attaché à l'honneur et ne tolère pas que l'on néglige le sien. S'il est sujet aux habituelles colères royales de ses prédécesseurs, lourdes de conséquences, il tente toutefois des les maîtriser tant que son interlocuteur ne se départit pas de tout respect.
Naturellement, il ne souffre point la trahison, mais les sentiments influencent parfois son jugement. Trahi par son frère une première fois, il ne lui infligea pas la peine de mort, convaincu par leur mère, effondrée de voir ses fils se déchirer pour le trône de leur père, de seulement le bannir du royaume. Hadrian fut également trahi par son épouse, qui s'ôta la vie car elle en aimait profondément un autre : il lui fallut près de dix ans pour découvrir que celle dont il chérissait la mémoire, au point de s'être fait le serment de ne jamais plus aimer d'autre femme, n'avait pas été assassinée. Par égard pour leur fille unique, la princesse Gabrelle, il ne fit pas subir à la défunte reine la damnation de la mémoire dont avaient été frappées d'anciennes épouses royales infidèles.