Des noces malheureuses
L'an sept-cent-quatre-vingt-neuf, le troisième jour du mois de mars, a été célébré le mariage de Lady Dovna Dimitriovna Volkonskaïa, âgée de quinze ans et du prince Alexis Vladimirovitch Stcherbatski, âgé de trente-trois ans. Il est certain que l'alliance profite davantage à la famille de l'épousée qu'à celle-ci, car la réputation du fiancé, qu'il s'efforce d'étouffer en déversant l'or qu'il possède en abondance, est troublante ; doté d'un tempérament qu'il maîtrise mal, ses humeurs sont instables et son ton est impérieux. Au contraire, on dit que la demoiselle, élevée loin de la ville, est aussi douce que pieuse.
Le foyer, ainsi mal accordé, s'en est allé arpenter les routes du grand continent ; en partance des terres russes, ils ont franchi les murailles de la Chine impériale, avant de repartir vers l'Ouest. Le sieur Alexis, qui use de sa grande noblesse pour être reçu dignement dans chacun des lieux-dits qu'il choisit de visiter, arbore sa jeune épouse comme un bijou précieux pour lequel il n'a pourtant que peu d'égards dans leur intimité. J'ai ouï dire qu'il traite la pauvre enfant rudement, quoiqu'il s'efforce de le dissimuler à autrui, mais il est bien connu que la loyauté d'une servante n'est que rarement acquise, et les siennes ne tiennent pas leur langue.
Néanmoins, nous voilà débarrassés du fils prodigue ; qu'il joue donc les ambassadeurs, qu'il s'en amuse et n'en revienne point.