La créature ôta son ample capuche noir et se laissa tomber sur un fauteuil tapissé de velours pourpre. Lentement, elle tourna la tête vers le miroir vénitien dans lequel se reflétait la danse endiablée des flammes qui habitaient la cheminée et elle y croisa le visage d'un fantôme. L'un de ses doigts effilés longea la ligne de sa mâchoire, puis traça une diagonale jusqu'aux courbes pleines de sa bouche : son ongle acéré gratta frénétiquement les deux taches rouges qui avilissaient ses lèvres, preuves éphémères de sa monstruosité. Elles s'effritèrent. Son doigt tira doucement sur sa joue pâle, comme une vague tentative de se redonner le sourire ; elle grimaça devant cette risette grotesque. Elle observa alors son propre regard : ses yeux de glace brillaient encore d'une fièvre féroce, décuplée par l'ardeur effrayante du brasier. Elle frissonna. Puis, sa main blafarde retomba brusquement sur sa cuisse. « Tu m'épies, Thomas ? » déclara-t-elle d'un ton froid. Une ombre se glissa silencieusement à sa droite, une ombre haute et puissante mais docile. La blonde se tourna lentement vers la silhouette élevée. L'homme se perdit un instant dans une étude audacieuse de ce visage qu'il connaissait pourtant par cœur : c'était assurément une beauté non conventionnelle, surtout parmi les êtres de la nuit. Celui-ci était un peu trop anguleux, bestial parfois selon les expressions qu'elle lui infligeait, tantôt mutin et enfantin, tantôt empreint d'une écœurante arrogance, souvent marqué par des cernes sombres, et pourtant l'ensemble était superbe ; lumineux lorsque la joie, qu'elle fût bonne ou mauvaise, infiltrait son cœur, d'une beauté mélancolique lorsqu'il était brisé. Elle lui donna un léger coup de pied dans le tibia, finalement agacée par cet examen. « Aurais-je le nez de travers ? » dit-elle avec un sourire narquois, tout en frottant inconsciemment l’extrémité dudit nez, qu'elle trouvait trop aiguë. « Non, Madame. » souffla-t-il en inclinant respectueusement la tête. « Alors va-t-en et fais-moi couler un bain. Brûlant. »