I used to rule the world
Seas would rise when I gave the word
Now in the morning I sleep alone
Sweep the streets I used to own
Charles Felton
« J'avais autrefois la plus profonde aversion pour la routine, les habitudes, la tranquillité. J'aimais me réveiller un matin à Paris, le lendemain à Londres, sans guère d'égards certes pour ma terrible empreinte carbone. J'aimais fréquenter certaines personnes pour quelques temps, et ne plus les revoir pendant cinq ans. Dans un sens, peut-être que je paie à présent mon égoïsme. Ma vie était étincelante, stimulante, mais à trop jouer sans songer aux conséquences, j'ai tout perdu. Et si, me dis-je ? Et si j'avais attendu avant de rentrer, tout auréolé de l'imprudence de ma jeunesse ? Et si j'avais roulé moins vite ? Et si mes réflexes n'avaient pas aussi été altérés, peut-être aurais-je pu empêcher l'accident ? Seulement, il n'y a de réflexion plus stérile que celle-ci. A présent, la routine est mon salut : j'ai des objectifs à atteindre dans la journée, et l'on m'encourage à les poursuivre. Je me sens tel un enfant auquel on distribue des bons points, mais après tout, je suis bien dépendant d'autrui, capricieux quand l'envie m'en prend et bien content le lundi, quand la jolie infirmière prend le relais de son collègue acariâtre du week-end. Quoique mon cercle d'amis se soit considérablement restreint, je ne manque pas de visites : entre le kinésithérapeute, les soignants, le malheureux larbin du bureau que l'on m'envoie systématiquement pour me tenir au courant des affaires, et mes deux chiens indisciplinés qui font gémir de rage ma pauvre vieille gouvernante, la maison n'est jamais vide. Et pourtant, Dieu, quelle solitude... quel ennui ! »
Je n'ai plus de passé, je n'ai pas d'avenir, je suis une douleur présente, dit Philippe Pozzo di Borgo.