Contes et romances du Nord
Curieuse volonté que celle du Ciel de pousser l'un vers l'autre un enfant de Dieu et un fils d'Odin, aux croyances si distinctes.
Omnia vincit amor et nos cedamus amori, dit le poète Virgile ; il songeait que l'amour triomphait de tout et il choisissait alors d'y céder. Le prince et l'esclave affranchie s'y abandonnèrent en effet ; au fil de leurs pérégrinations respectives à travers Kattegat, leurs chemins finirent par se croiser et s'entremêler. L'on murmurait certes que le fils du roi Magnar, non pas l'aîné, au cœur inflexible depuis la tragique disparition de son épouse, mais le plus jeune, s'était vaguement entiché de l'une des captives venues d'Angleterre : pourtant, on ne se doutait point de l'ampleur des faiblesses qui le saisissaient lorsqu'il apercevait par hasard sa silhouette fragile parmi la foule, et l'on ignorait davantage qu'elle-même se sentait faillir lorsqu'en retour, elle remarquait la présence du guerrier. Or, chacun pensait n'être point digne de l'attention de l'autre ; la jeune veuve était entachée par sa chrétienté qui la rendait indésirable, quand le Viking s'imaginait trop rustre pour la charmer.
Il suffit pourtant de quelques aveux timides au détour d'une promenade enneigée pour qu'ils prirent conscience à l'unisson que leurs aspirations communes primaient leurs différences ; la chaleur de leur passion naissante, remède ultime à tous leurs maux, leur insuffla alors une bravoure irrationnelle dont ils s'armèrent contre les péripéties à venir.
« Je ne permettrai jamais que le malheur frappe votre cœur, Dovna. »
« Eldar, je vous aimerai sans condition, si vous le voulez bien. »